6- Pistes pédagogiques autour du théâtre

Philippe CHATTON, chargé de mission théâtre, est à votre disposition pour tout renseignement complémentaire ou tout accompagnement.

Le vivre ensemble avec le théâtre

Le VIVRE ENSEMBLE au théâtre se partage au sein de situations pédagogiques élaborées à partir de trois notions fondamentales inhérentes à cet art.

  • Un art collectif, qui implique le respect de son/ses partenaire/s, du groupe avec qui et pour qui l’on joue, qui appréhende et interroge concrètement les codes de la communication verbale et non-verbale, orale et écrite, ainsi que les règles sociales de la vie en collectivité et qui en questionne les variations historiques, sociales et culturelles.
  • Un art de la représentation (et non de l’imitation), qui introduit l’élève à une réflexion active sur la réalité représentée par le jeu et le développement de l’imaginaire et qui lui permet d’aborder, par la théâtralisation du réel, c’est-à-dire par la transposition esthétique et poétique, des sujets de société.
  • Un art vivant, qui mobilise des savoirs techniques liés au corps, à la voix, au langage, à la lumière, au costume, au décor et à la scénographie, à la musique et à l’univers sonore, etc. Les élèves qui pratiquent ou fréquentent le théâtre acquièrent des compétences dans les domaines langagier et kinesthésique, exercent leur mémoire, leur imaginaire et leur capacité à relier la pensée et l‘action, apprennent à (re)connaître leurs émotions, à les exprimer et à les transmettre à un public.

Pratiques et histoire du théâtre :

La connaissance de l’histoire du théâtre associée au lire, dire, écrire, voir et jouer constitue une richesse pédagogique pour tous ceux, enseignants et élèves qui exploreront les pratiques théâtrales en classe. Les hommes, les lieux, les périodes, les évènements artistique et historique, les avancées technique et technologique ont à travers les âges façonnés cet art d’enseignement et de divertissement qui aujourd’hui encore questionne notre rapport à l’autre et au monde.

Ensemble à travers les âges…

  • 1-Dès--la-naissanceDès la naissance du théâtre dans l’Antiquité grecque vers 500 av. J-C, les textes des premiers auteurs, au-delà de la célébration religieuse, interrogeaient déjà, en dénonçant certains faits et comportements, la possibilité de mieux vivre ensemble dans ces prémices de la démocratie.

 

  • Tirésias : « Chefs de Thèbes, nous faisons route ensemble : un seul guide pour deux ; c’est que nul aveugle ne va sans guide » Antigone de Sophocle

 

  • 2C’est-bien-plusC’est bien plus tard, au Moyen âge, avec la réapparition du théâtre, que des artisans, des étudiants et des commerçants se sont mis ensemble en « confréries » pour offrir à la population sur les parvis des églises et les places publiques des spectacles que l’on nommait « Mystères ».

 

  • 3Cette notion de collectif, nous la retrouvons avec les troupes théâtrales, qui comme celle de Molière au XVIIe siècle, sillonnaient les campagnes françaises pour donner à voir du théâtre. A cette même époque les Italiens improvisaient ensemble pour faire rire leur public avec les canevas de la Commedia dell’arte.

 

  • Alceste : « Je refuse d’un cœur la vaste complaisance/ qui ne fait de mérite aucune différence /je veux qu’on me distingue, et, pour le trancher net/ l’ami du genre humain n’est point du tout mon fait »
    Acte I, scène I- Le Misanthrope de Molière

 

  • 4C’est aussi pour être ensemble entre spectateurs, que l’on se retrouve dans les premières salles de théâtre qui furent construites au XVIe siècle dans différents pays d’Europe. C’est en Angleterre que les premiers théâtres « fixes » virent le jour. On venait y applaudir les pièces du théâtre Elisabéthain dont celles du célèbre William Shakespeare.

 

  • Capulet : « Je veux que Roméo soit auprès de sa femme dans la même splendeur : pauvres victimes de nos inimitiés ! »
    Acte V-Scène 3 – Roméo et Juliette de William Shakespeare

 

  • 510 000 pièces seront écrites entre 1570 et 1681 par les auteurs espagnols lors de cette période appelée « le Siècle d’or », qui du tragique au comique, offrait aux spectateurs une grande diversité de genres théâtraux. Corneille au XVIIe siècle puisera dans ce répertoire pour y trouver sa figure du Cid. L’invention de l’imprimerie un siècle auparavant contribua fortement à la diffusion du texte théâtral pour le plus grand nombre.

 

  • Don Diègue : « …Dans ce malheur public mon bonheur a permis /que j’aie trouvé chez moi cinq cents de mes amis/ qui sachant mon affront, poussés d’un même zèle/ se venaient tous offrir à venger ma querelle… »
    Acte III, scène 6- Le Cid de Corneille

 

  • 6En 1793, La Convention par un décret, permet à tous d’aller au théâtre, comme dans l’Antiquité car l’état est persuadé que le théâtre est la nouvelle école du peuple. Ce changement, en réaction au théâtre classique, jugé trop élitiste et réservé à une catégorie de public, amènera l’ouverture de nombreuses salles de théâtre en donnant la possibilité à tout citoyen de pouvoir ouvrir son théâtre après l’avoir déclaré à la police.

 

  • Le chœur- : « Liberté ! Liberté ! Guerre à la tyrannie »
    Acte II-Scène 6- Timoléon de Marie- Joseph Chénier

 

  • 7La fin du XIXe siècle est l’époque des stars du théâtre qui ne font que parler d’elles et ce sont ces excès d’individualisme, associé à l’embourgeoisement du théâtre qui amèneront au début du XXe siècle un nouvel élan collectif au théâtre.

 

  • «Mon succès à la Comédie était affirmée, et le public me traitait en enfant chéri. Mes camarades en conçurent quelques jalousies »
    Sarah Bernhardt- Ma double vie

 

  • 8Frédéric Pottecher et son théâtre du peuple à Bussang dans les Vosges veut rassembler et c’est en province que les projets les plus originaux voient le jour. De jeunes metteurs en scène et auteurs réaffirment leur volonté de mettre l’acteur au service du texte et de la mise en scène. Jacques Copeau réunit autour de lui à Pernand Vergelesses des hommes et des femmes qui ensemble expérimenteront de nouvelles formes de théâtre. C’est la naissance du « théâtre d’art » et aussi celui de la mise en scène.

 

  • «Il y’a ici des ondes humaines de sensibilité, d’intelligence, d’émotion, de chaleur, dont le théâtre est l’instrument, où il trouve une exploitation scénique à base de collectivité et de rayonnement »
    Louis Jouvet –Le comédien désincarné

 

  • 9Ce XXe siècle sera celui du renouveau du jeu dramatique et de son impact sur le public avec des recherches autour de l’interprétation mais aussi de l’espace scénique. Des auteurs, des metteurs en scène, des scènographes comme Constantin Stanislawski , Gordon Craig , Bertold Brecht, Augusto Boal , Jacques Lecoq , Jean Vilar et bien d’autres participeront au cours de ce siècle à cette évolution qui fait du théâtre un art collectif par excellence. Aujourd’hui, ces recherches autour de la voix, du corps et de l’espace constituent le socle fondamental des pratiques théâtrales à l’école.

 

  • « Pour les élèves, la grande expérience du chœur est la découverte du lien. Ils découvrent ce que signifie véritablement « êtres liés », à la fois ensemble et avec un espace »
    Peter Brook- L’espace vide

 

  • 910Depuis 1964 la troupe du théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine est la digne héritière de ces artistes créateurs et formateurs. Sa compagnie est l’illustration même de ce vivre ensemble au théâtre. Chaque acteur participe à la vie collective de la troupe et se met au service de la création pour offrir un théâtre exigeant et accessible au plus grand nombre.

 

  • « Je dis souvent que les comédiens mettent un masque, tandis que le public enlève le sien, c’est-à-dire ses tensions, et qu’il se prépare à ce moment qui est une utopie, où six cents personnes vont vivre ensemble.
    Ariane Mnouchkine

 

  • Depuis les années 2000, l’apparition des « collectifs » d’acteurs renouvelle un rapport à l’œuvre théâtrale et à sa représentation qui préfigure ce que sera peut-être le monde du théâtre demain. On voit sur les scènes françaises de nouvelles écritures et de nouvelles formes scéniques qui viennent interroger notre monde contemporain.

Bibliographie :

Un texte clair, précis, synthétique, respectant strictement l’ordre chronologique qui permet de suivre l’évolution du théâtre à travers les âges. Il concerne tous les publics. Du très jeune lecteur au  » théâtrophile  » curieux et cultivé en passant par les lycéens et les étudiants.

 

Une fresque colorée d’anecdotes qui permet aux jeunes de comprendre l’évolution des genres théâtraux.

 

  • Le corps poétique
    Jacques Lecoq – Edition : Actes sud –Papier – Du masque neutre aux grands territoires dramatiques (commedia dell’arte, bouffons, tragédie, clowns). Jacques Lecoq nous fait suivre sa démarche pédagogique.

 

  • L’espace vide
    Peter Brook – Edition du Seuil – L’auteur n’est pas seulement un metteur en scène et pas seulement un théoricien, même pragmatique, du théâtre. Pour lui , le théâtre est aussi le moyen de fonder et d’entretenir une communauté d’hommes et de femmes capables de porter atteinte, par leur seul exemple, à un ordre établi, d’apporter une inquiétude et un bonheur . Il est, dans cet ouvrage autant question du public que des interprètes, acteurs ou metteurs en scène, grâce auxquels le théâtre, écrit ou non écrit, peut vivre.

 

  • Le comédien désincarné
    Louis Jouvet – Edition : Flammarion – Cet ouvrage constitue le plus important ensemble d’observations qu’un artiste ait laissé sur son art. Il marque aussi au plus haut point la conscience de Louis Jouvet qui, une fois délivré des tâches matérielles qui peuvent assaillir un directeur de théâtre, retournait aussitôt aux interrogations que l’art du comédien n’aura jamais cessé de lui poser.